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Et si Marilyn Monroe avait fait la thérapie des schémas

Un décor affectif et relationnel chaotique

Quelle idée merveilleuse a eu My week with Marilyn de mettre en scène le paysage affectif de son protagoniste éponyme à travers le regard de Colin, le troisième assistant du metteur en scène. 

Colin, dernier fils d’une fratrie de la haute bourgeoisie anglaise se cherche. Il n’est pas attiré par la réussite tant prisée par sa famille, mais souhaite exercer dans le cinéma, sa plus grande passion. Après des jours de persévérance, il arrive à obtenir un travail pour le tournage d’une comédie anglaise avec la grande Marilyn Monroe

Dans ce film, Marilyn est dépeinte comme une femme complexe, prise par des besoins affectifs qui se jouent d’elle, tel un réalisateur jouant avec ses acteurs. Nous apprenons au cours du film que la mère de Marilyn est morte quand elle était enfant (en réalité sa mère a été internée en hôpital psychiatrique pour schizophrénie, mais Marilyn préfère dire qu’elle est morte), qu’elle n’a jamais connu son père, et qu’elle a été placée dans de nombreuses familles d’accueil. Nous disposons de nombreux indices sur le fonctionnement affectif de Marilyn. 

Dans sa relation à elle-même, nous savons que c’est quelqu’un qui doute continuellement de sa valeur. Elle a l’impression d’être incompétente dans son travail, et se comporte de sorte à confirmer cette croyance (Par exemple en oubliant son texte, ou en se présentant tout le temps en retard, alimentant la critique à son égard). Dans la scène où Marilyn contemple une maison de poupée, elle dit avec une certaine tristesse « toutes les filles doivent s’entendre dire qu’elles sont jolies et aimées de la part de leur mère », ce qui montre des gros manques affectifs chez elle.  

Nous observons aussi une ambivalence qu’elle entretient dans ses relations professionnelles et intimes. Son manager Lady, tantôt la réprimande, tantôt la réconforte. Dans ses relations intimes, avant l’arrivée de Colin, nous apprenons de la part de son actuel mari que, avec elle, il « n’arrive plus à penser en sa présence et se sent englouti », pour Milton Greene son assistant, Marilyn n’a fait que jouer avec ses sentiments lors d’une aventure et est vite passée à autre chose. Il lui dit « Marilyn n’a pas besoin d’être sauvée, elle sait très bien ce qu’elle fait ».  Pourtant Colin succombe à ses charmes. 

Dans sa vision du monde, elle pense qu’il y a deux camps. Les gentils qui sont de son côtés, qui vont prendre soin d’elle et la protège, et ceux qui la juge et la font souffrir. On voit ce théâtre intérieur se déployer la première fois lorsqu’elle demande à Colin de quel camp il est, au moment où Colin est envoyé par le réalisateur pour ramener Marilyn sur le plateau de tournage. À la suite de cette rencontre, Colin est appelé à maintes reprises par Marilyn pour passer du temps avec elle. On voit un jeu de séduction se déployer devant nos yeux, s’apprêtant à engloutir Colin, sans qu’il ne réagisse à ce qui est véritablement en train de se passer en coulisses. Marilyn vient effectivement rechercher l’affection et la gentillesse de Colin. Elle n’hésite pas à user de ses charmes pour cela. Dans leur intimité , on rencontre une autre Marilyn qui s’anesthésie par l’alcool et les tranquillisants.  Cette autre Marilyn pense que les autres vont l’abandonner et qu’elle ne mérite pas l’amour que l’on lui porte. Cette partie d’elle vient rechercher Colin pour compenser ses manques et la rassurer. Dans de nombreuses scènes, on peut observer cette ambivalence relationnelle se déployer autour de Marilyn. D’un côté il y a ceux qui exigent d’elle et la font se sentir jugée, et de l’autre celui qui va la protéger et venir la rassurer. Il y a un côté enfantin dans ce jeu-là.

Le regard de la thérapie des schémas sur Marilyn Monroe

En reprenant les infographies de la thérapie des schémas de mon article sur Mon Roi, on peut faire l’hypothèse que Marilyn a subi de grosses négligences dans son enfance, faisant émerger un schéma abandon, un schéma carence affective et peut-être un schéma imperfection / honte. Pour s’adapter à ses schémas, elle a développé une tendance à rechercher l’affection, la validation et l’admiration dans le regard des autres. Elle utilise des stratégies de compensations pour répondre à ses besoins affectifs, et d’évitement en consommant de l’alcool et des drogues pour éviter ses affects impossibles à gérer. 

Les modes

En reprenant la conception des modes dans la thérapie des schémas, on peut observer la relation dynamique existant entre le mode protecteur détaché, enfant vulnérable, enfant impulsif et parent critique. 

On peut faire l’hypothèse que le mode enfant impulsif permet à Marilyn de venir rechercher l’affection de l’autre sans se poser la question de la relation. C’est l’enfant impulsif qui vient mettre un écran de séduction et de désir entre eux pour éviter que Colin ne s’aperçoive de la détresse portée par l’enfant vulnérable. 

Le protecteur détaché quant à lui s’exprime lorsque Marilyn consomme des substances la mettant dans un état second. Ce mode est aussi présent lorsqu’elle évite de parler de sa mère à Colin en lui disant qu’elle est morte. 

Le parent critique s’exprime dans la relation qu’elle entretient avec Lady son manager, et l’acteur principal qui la critique sa cesse, de la comédie anglaise dans laquelle elle joue.  

L’enfant vulnérable se montre lorsque Marilyn est convaincue qu’elle ne mérite pas l’amour des autres, que l’on va l’abandonner, ou lorsqu’elle vient chercher à se rassurer dans les bras de Colin. 

Vers la guérison

Ces différents modes sont le résultats de parties dissociées de la personnalité de Marilyn. Chaque mode correspond à des tendances motivationnelles différentes. Certains modes sont défensifs comme le protecteur détaché, l’enfant en colère et l’enfant impulsif, d’autres correspondent au besoin d’attachement et de dépendance comme l’enfant vulnérable, et d’autres renvoient à l’internalisation des figures critiques, négligentes ou abusives comme le parent critique et le parent punitif. On parle de dissociation lorsque ces différents besoins ne sont pas intégrés de manière unifiée et cohérente, c’est-à-dire lorsqu’ils ne sont pas capable de coexister en même temps au sein de la personne, et de pouvoir dialoguer entre eux. La capacité d’un dialogue entre ces modes montre une diminution de la dissociation, pas son absence. En effet, la possibilité d’un dialogue présuppose l’existence de parties dissociées. À la fin de l’intégration, le dialogue n’a plus lieu d’être car ces parties sont unifiées dans un tout plus cohérent et plus complexe.

Si Marilyn Monroe venait en thérapie, le psychologue qui l’accompagnera devra lui permettre de développer les ressources de l’adulte sain afin qu’il puisse écouter la souffrance et les besoins d’attachements de l’enfant vulnérable, tout en respectant les autres parties d’elle qui le protège. Elle prendrait alors conscience que son besoin d’admiration et d’affection qu’elle exprime dans le présent correspond en réalité aux besoins de la petite fille négligée qu’elle était autrefois. Elle pourrait parler de cette époque révolue d’abord avec beaucoup d’émotions, puis avec plus de recul en ayant conscience que c’est une personne différente désormais. Elle se rendrait alors compte que la souffrance insupportable qu’elle ressentait autrefois n’est plus qu’un souvenir d’une époque passée. Elle réaliserait alors que sa manière de s’adapter à celle-ci en s’anesthésiant par l’alcool, le sexe ou la drogue, ou en se réfugiant dans les bras des hommes ou l’admiration des foules n’a plus de raison d’être. Elle apprendrait alors à sentir et exprimer ses besoins, tout en étant à l’écoute de ceux de l’autre. Elle serait alors en mesure de construire une relation de couple durable, épanouissante et sécurisante. 

Hugo Ledoux
Psychologue clinicien et
psychothérapeute à Mériganc
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